Key points
- The Board finds, after extensive reasoning, that the features of a method of calculating a maximum value of an operating parameter of a nuclear reactor, involving simulation steps, provide a technical contribution. The features are hence not part of the problem framework under the Comvik approach.
EPO T 0625/11 -
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Motifs de la décision
[] 4. Requête principale
Clarté et support par la description (article 84 CBE 1973)
4.1 Il ressort de la condition définie à l'étape d) du procédé revendiqué que la valeur atteinte par la grandeur physique au cours de l'étape c) doit au moins atteindre la valeur caractérisant une rupture de la gaine. La Chambre accepte l'argument de la requérante selon lequel cette condition implique, de façon implicite, que le régime transitoire de fonctionnement qui aura été retenu pour la simulation doit effectivement conduire à une telle situation de rupture d'au moins une gaine d'un crayon de combustible.
4.2 De même, l'objection soulevée initialement par la Chambre selon laquelle la revendication devrait intégrer une caractéristique supplémentaire relative à la réitération des étapes b) et c), pour parvenir à l'identification de la valeur limite recherchée, est abandonnée. Si le procédé revendiqué peut, effectivement, en fonction du paramètre recherché, recourir à une méthode itérative, cela n'est pas indispensable. Il suffit, en effet, pour bon nombre de simulations de sélectionner un transitoire de fonctionnement dont on sait, au départ, qu'il conduira à une rupture d'au moins une gaine. En d'autres termes, il convient seulement de "frapper fort" dans la sélection du transitoire de fonctionnement. Dès lors que cette condition est remplie, le procédé de simulation permettra de reproduire l'évolution de la grandeur physique qui servira à caractériser la rupture ainsi que l'évolution en fonction du temps du premier paramètre de fonctionnement. C'est alors la valeur atteinte par ce premier paramètre de fonctionnement, à l'instant où la grandeur physique retenue atteindra la valeur caractérisant sa rupture, qui sera retenue en tant que valeur critique.
Aussi, le recours à un mode itératif de simulation n'est-il pas essentiel, même s'il ne saurait être exclu pour la détermination de certains paramètres (cf. demande telle que publiée, page 16, ligne 17-19).
L'intégration de la caractéristique de réitération des étapes b) et c) à la revendication indépendante de procédé n'est donc pas nécessaire.
4.3 La terminologie retenue pour la revendication 1 conduit à reconnaître une portée très large au procédé revendiqué. Ce constat découle du fait qu'il est fait état d'un transitoire de fonctionnement du réacteur nucléaire sans en préciser les paramètres. De même, la référence à la notion de "grandeur physique" et à celle de "premier paramètre de fonctionnement", sans en préciser la nature, permet-elle une interprétation extensive du procédé revendiqué.
La Chambre retient, cependant, que l'homme du métier aurait immédiatement reconnu que le problème posé n'est aucunement limité par la nature des paramètres retenus. De même, indépendamment du degré de sophistication du transitoire de fonctionnement retenu, la modélisation de celui-ci ne fera-t-elle intervenir que des principes de fonctionnement bien connus dont les algorithmes de calcul par éléments finis sont à même de rendre compte. Le fait que les principes, dont il est ici question, intègrent un ensemble complexe de lois relatives à la physique nucléaire, à la résistance des matériaux, à la thermique, à la thermodynamique... n'affecte en rien ce constat. À ce titre, l'enseignement de la demande initiale, combiné aux connaissance générales de l'homme du métier, justifie le degré de généralisation résultant de la formulation retenue pour la revendication.
4.4 Aussi, la Chambre conclut que le procédé de la revendication 1 est clairement défini et suffisamment supporté par les modes de réalisation décrits dans la demande en instance.
5. Requête principale
Modifications (article 123(2) CBE)
Exposé de l'invention (article 83 CBE)
5.1 Le remplacement de la conjonction de subordination "lorsque" par l'expression "au moment où" repose, par exemple, sur l'enseignement du paragraphe en page 16, lignes 4-9 et 17-19, et les figures correspondantes 9 et 10 de la demande publiée.
5.2 En ce qui concerne l'exposé de l'invention, la Chambre retient que la large portée des revendications ne fait nullement obstacle à la réalisation de l'invention sur l'ensemble du domaine revendiqué. Les lois de la physique évoquées ci-dessus sont, en effet, à même de rendre compte de l'évolution des paramètres pertinents, malgré la complexité des phénomènes en case, dès lors que le transitoire de fonctionnement et les conditions et paramètres de fonctionnement sont définis de manière suffisante.
5.3 La Chambre estime donc que les conditions des articles 123(2) et 83 CBE sont remplies.
6. Requête principale
Caractère technique (article 52(1) CBE)
La Chambre de recours en charge de l'affaire T 258/03 (JO OEB 2004, 575) a reconnu, à l'encontre de la jurisprudence qui prévalait antérieurement, qu'une revendication portant sur une méthode faisant intervenir des moyens techniques constituait une invention au sens de l'article 52(1) CBE (cf. Sommaire I). Selon cette décision, qui reflète la jurisprudence désormais en vigueur, le caractère technique d'une invention portant sur une méthode doit être apprécié indépendamment de la contribution de l'invention par rapport à l'état de la technique. Cette approche de type "absolu" de la technicité conduit à reconnaître un caractère technique à une revendication de procédé dès lors que l'usage de moyens techniques ressort de la formulation retenue.
Le procédé de détermination d'au moins une valeur limite d'un paramètre selon la revendication 1 de la requête principale est mis en oeuvre par un système informatique. La revendication remplit donc la condition énoncée dans la décision T 258/03. Ainsi, en écartant l'application des dispositions des articles 52(2) CBE et 52(3) CBE, l'usage d'un système informatique confère-t-il au procédé revendiqué la qualité d'invention au sens de l'article 52(1) CBE.
7. Requête principale
Activité inventive (article 56 CBE 1973)
7.1 La Chambre de recours en charge de l'affaire T 641/00 (JO OEB 2003, 352, point 6) a reconnu que "Lorsqu'une caractéristique ne peut être considérée comme contribuant à la solution d'un problème technique donné en produisant un effet technique, elle n'a aucune importance pour l'appréciation de l'activité inventive". La détermination d'un problème technique à résoudre n'est donc possible que si la Chambre reconnaît l'existence d'au moins un effet technique résultant d'au moins une caractéristique revendiquée.
De même que le recours à des moyens techniques confère un caractère technique à l'invention revendiquée, convient-il de reconnaître à une étape du procédé revendiqué un caractère technique dès lors que l'étape considérée fait elle aussi recours à de tels moyens techniques. En d'autres termes, l'utilisation de moyens de traitement automatique de données confère un caractère technique aux étapes du procédé qui y ont recours, le caractère technique résultant de l'interaction entre l'algorithme et les moyens informatiques (cf. T 471/05, point 4.1 ; T 1265/09, point 1.4 ; T 154/04, JO OEB 2008, 046, point 27).
Dans le cas d'espèce, la formulation de la revendication 1 de la requête principale ne laisse planer aucun doute sur le fait que les étapes b), c) et d) du procédé revendiqué sont effectuées par le système informatique auquel il est fait référence dans la revendication. Les étapes de la simulation dont il est fait état impliquent, en effet, la prise en compte d'un grand nombre de paramètres dont l'évolution au cours de transitoires de fonctionnement ne peut être établie de manière purement théorique. Ce constat vaut également pour des régimes transitoires élémentaires. En pratique, la simulation fera intervenir des modules de calcul par éléments finis qui, après que les conditions aux limites auront été précisées, procéderont à une détermination de proche en proche, spatiale et temporelle, de la valeur de chacun des paramètres à prendre en compte. Les calculs effectués auront pour objectif de modéliser l'évolution de ces paramètres (contrainte au sein des gaines, puissance, évolution temporelle du transitoire considéré, intensité des réaction au sein du combustible, pression, température...) au cours du transitoire de fonctionnement considéré.
Aussi, convient-il de reconnaître, au-delà du caractère technique reconnu à la revendication dans son ensemble, un caractère technique à chacune des étapes b), c) et d) du procédé revendiqué en raison du recours nécessaire aux ressources du système informatique.
En l'espèce, ce constat ne suffit pas à établir si le procédé revendiqué est inventif au sens de l'article 56 CBE ou non. En effet, comme il sera démontré ci-dessous, la conclusion relative à l'existence ou non d'une activité inventive dépendra de l'approche adoptée, selon que l'on estime, comme le fit la division d'examen, que les effets techniques du procédé sont limités à l'interaction du procédé de simulation revendiqué avec le système de traitement des données ou bien, au contraire, que l'on y intègre les aspects liés à la mise en oeuvre du procédé.
La Chambre s'est efforcée de comparer les arguments en faveur des approches envisageables en fonction de la jurisprudence existante et des arguments produits, respectivement, par la division d'examen et la requérante.
7.2 Première approche
7.2.1 Selon la Division d'Examen, aucune activité inventive ne saurait être reconnue à la mise en oeuvre de la simulation revendiquée par des moyens informatiques dès lors qu'il serait admis que cet aspect serait le seul à conférer un caractère technique au procédé de la revendication 1.
7.2.2 La Chambre est elle-aussi de l'avis qu'aucune des étapes b), c) ou d) du procédé revendiqué n'exige le recours à un système informatique particulier, c'est-à-dire à un système informatique dont l'architecture aurait été conçue spécialement pour la simulation envisagée, ou fonctionnant selon un mode particulier. En effet, la simulation résultera de l'installation dans un système à la capacité de calcul suffisante d'un algorithme constitué pour l'essentiel de modules de calculs par éléments finis et conçu à cet effet, sans requérir pour cela une quelconque adaptation du système informatique. De même, le procédé revendiqué n'affectera pas le fonctionnement interne du système informatique auquel il devra recourir pour sa mise en oeuvre.
Par conséquent, selon l'approche préconisée par la division d'examen, seul l'usage du système informatique pour mener à bien les étapes b), c) et d) du procédé de simulation serait alors à retenir au titre de caractéristique technique à prendre en compte dans le cadre de l'approche problème-solution.
7.2.3 Il n'en demeure pas moins, en vertu de la jurisprudence établie des chambres de recours, que lorsque la revendication se réfère à un but à atteindre dans un domaine non-technique, ce but peut légitimement être énoncé dans la formulation du problème en tant que cadre dans lequel s'inscrit le problème technique à résoudre, notamment en tant que contrainte à respecter (cf. T 641/00, JO 2003, 352, Sommaire, II).
En l'espèce, le problème technique à résoudre consisterait donc à mettre en oeuvre une méthode permettant de déterminer une valeur limite d'un paramètre de fonctionnement d'un réacteur nucléaire, la détermination incluant les étapes de :
b) simuler au moins un transitoire de fonctionnement du réacteur nucléaire,
c) calculer la valeur atteinte par une grandeur physique au cours du transitoire de fonctionnement, et
d) déterminer, en tant que valeur limite, la valeur d'un paramètre de fonctionnement au moment où la valeur calculée à l'étape c) correspond à une valeur critique de la grandeur physique.
7.2.4 Bien que déterministes, les phénomènes physiques, notamment thermomécaniques, en cause sont d'une complexité telle qu'elle rend impossible une résolution purement théorique du problème posé. De même, le volume de données à traiter et de calculs auxquels il faudra procéder pour parvenir à la détermination de la valeur limite recherchée exclut-il que ces calculs soient effectués sans l'assistance de moyens adaptés (cf. point 5.2 ci-dessus).
Aussi, la seule voie qui s'offre à l'homme du métier sera de recourir à un système informatique aux capacités de calcul suffisantes. Le recours à de tels systèmes afin de procéder à tout type de calculs est en soi bien connu et relève des connaissances générales de l'homme du métier. Cela est tout particulièrement vrai dans le domaine des réacteurs nucléaires. Plus concrètement, les documents EP-A-1 113 455 (D1) et EP-A-1 221 701 (D2) font état de tels moyens afin de procéder à la simulation de régimes transitoires au sein de réacteurs.
Par conséquent, il eût été évident pour l'homme du métier, notamment en l'absence de toute autre alternative, de recourir à de tels moyens informatiques pour résoudre le problème défini ci-dessus.
La non-prise en compte de la nature des données traitées ou du but poursuivi par le procédé revendiqué, selon l'hypothèse retenue ci-dessus au titre de la première approche, conduirait alors au constat selon lequel l'objet de la revendication 1 de la requête principale n'est pas inventif au sens de l'article 56 CBE.
7.2.5 La Chambre note, au-delà du cas d'espèce dont il est ici fait état, que l'approche suivie ci-dessus est a priori indépendante du domaine technique considéré et conduirait presque systématiquement au constat qu'un procédé revendiqué, qui se distinguerait de l'état de la technique uniquement en ce qu'il est automatisé, ne serait pas inventif. En effet, l'omniprésence des moyens informatiques dans tous les domaines technologiques conduirait presque invariablement au constat qu'un procédé dont le caractère technique résulte uniquement de l'emploi de moyens informatiques ne serait pas inventif dès lors que ces moyens n'auraient pas requis une adaptation de leur architecture ou de leur mode de fonctionnement (cf. T 1265/09, points 1.7 to 1.12; T 154/04, OJ OEB 2008, 046, points 24 to 28; T 258/03, OJ OEB 2004, 575, point 5.7).
7.2.6 L'approche développée ci-dessus pourrait trouver une justification dans le fait que le monopole d'exclusion qui serait conféré par le brevet, s'il était délivré sur la base de la requête principale, aurait vocation à s'étendre à tous les procédés reproduisant les étapes revendiquées, indépendamment de l'utilisation qui serait faite du résultat de la simulation. Reconnaître le bénéfice d'une activité inventive sur la base de la possible utilisation d'un procédé revendiqué dans le cadre d'une activité technique ou industrielle, non revendiquée, reviendrait donc à faire naître un monopole dont l'étendue dépasserait la contribution technique de l'invention, puisque s'étendant également à des activités de service non-industrielles.
Cette première approche conduirait donc à reprendre le point de vue exprimé dans la décision T 939/92 (JO OEB 1996, 309, cf. point 2.4.2) qui retient qu'en matière d'activité inventive :
"... en vertu d'un principe du droit universellement admis depuis longue date, l'étendue du monopole conféré par le brevet doit être fonction de la contribution qu'il constitue par rapport à l'état de la technique, cette contribution constituant la justification dudit monopole [...] Puisque, dans les deux décisions citées, c'est ce principe général du droit qui a été appliqué pour déterminer l'étendue de la protection qui se justifiait eu égard aux dispositions des articles 83 et 84 CBE, c'est ce même principe qui doit être appliqué pour l'appréciation de l'existence d'une activité inventive au sens de l'article 56 CBE ; en effet, tous les objets couverts par une revendication valable doivent impliquer une activité inventive. Si ce n'est pas le cas, la revendication doit être modifiée de manière à ce que les objets évidents en soient exclus, pour que le monopole conféré par le brevet soit justifié" (les caractères gras ont été ajoutés par la Chambre).
Aussi, dans l'affaire ayant conduit à la décision précitée, la chambre a-t-elle estimé que si l'effet allégué par l'objet revendiqué n'était pas crédible pour l'ensemble du domaine revendiqué, il convenait alors de retenir une formulation plus générale du problème à résoudre. C'est la position qui fut ultérieurement endossée par la Grande Chambre de Recours dans l'affaire G 1/03 (JO OEB 2004, 413, cf. point 2.5.2) en référence à la décision T 939/92.
La formulation du problème technique à résoudre doit donc, selon la décision T 939/92, reposer sur des effets ou résultats du procédé revendiqué valables pour l'ensemble des applications envisageables. L'exemple cité ci-dessus, relatif à la comparaison des performances de systèmes associant software et hardware, démontre qu'il ne serait alors pas justifié de définir le problème technique sur la base d'un éventuel contrôle d'un réacteur nucléaire, cet aspect n'étant pas revendiqué. L'exemple du procédé de simulation proposé à des fins pédagogiques, qui n'implique aucune utilisation industrielle de la valeur limite ainsi calculée, semble indiquer qu'il n'est pas même possible de définir de problème technique lié à la détermination de cette valeur. Le problème technique à résoudre se réduit alors à celui qui a été retenu ci-dessus (cf. point 7.2.3).
Selon cette première approche, la requérante n'aurait alors pas d'autre alternative, afin de surmonter cet obstacle, que de préciser sa revendication afin d'y intégrer l'étape de fonctionnement du réacteur, comme elle le fait pour la revendication 1 de la requête subsidiaire II.
Afin d'éviter tout malentendu, il convient de souligner que si, selon cette première approche, l'évocation explicite d'un effet technique ou du résultat recherché dans une revendication indépendante garantit que cet effet ou résultat soit pris en compte dans la formulation du problème retenue, elle pourrait, en fonction du contexte propre au cas d'espèce, l'être également en l'absence de toute stipulation explicite, car ce qui importe est que le problème retenu soit valable sur l'ensemble du domaine revendiqué.
Ce sont des considérations similaires qui conduisent à ne pas soulever d'objection d'insuffisance de l'exposé de l'invention en vertu de l'article 83 CBE lorsque l'effet, ou résultat allégué, mais non revendiqué, ne sera pas reproductible sur l'ensemble du domaine revendiqué. Dans ce cas, comme rappelé par la Grande Chambre dans l'affaire G 1/03 (OJ OEB 2004, 413, cf. point 2.5.2) par référence à la décision T 939/92, c'est une objection liée à l'absence d'activité inventive qui sera éventuellement soulevée sur la base d'un problème technique à résoudre beaucoup plus général que celui qui aurait résulté de la prise en compte du seul effet allégué.
7.3 Seconde approche
7.3.1 La requérante a cependant soutenu, en l'espèce, que le caractère technique du procédé revendiqué ne résultait pas seulement de l'usage des moyens informatiques, mais découlait également des données traitées et de l'objectif poursuivi par l'invention, même si celui-ci n'était pas intégré au procédé revendiqué. Cette seconde approche de l'activité inventive est développée ci-dessous.
7.3.2 L'analyse développée au point précédent devrait effectivement être révisée dès lors que l'on reconnaîtrait au procédé revendiqué une dimension technique dépassant la seule interaction algorithme/système informatique, comme le préconise la requérante et comme le reconnurent, dans des situations analogues, les chambres de recours en charge des affaires T 1227/05 (JO OEB 2007, 574) et T 471/05.
En effet, l'analyse de l'activité inventive, qui exige que soient identifiées toutes les caractéristiques techniques de l'invention, conduirait alors, dans cette hypothèse, à prendre en compte l'objectif recherché par l'invention.
Dans les circonstances présentes, la reconnaissance d'un caractère technique lié à l'utilisation de la valeur limite résultant de la simulation pour un fonctionnement effectif d'un réacteur nucléaire conduirait à une redéfinition sensiblement plus spécifique du problème technique objectif résolu par l'invention. Contrairement à ce qu'implique l'approche basée sur le seul usage de moyens techniques, les aspects liés au fonctionnement du réacteur nucléaire auraient alors vocation à intervenir dans la définition du problème objectif à résoudre. De même la reconnaissance d'un caractère technique inhérent aux données prises en compte dans le cadre de la simulation, conduirait, elle aussi, à une nécessaire reformulation du problème à résoudre.
En l'occurrence, la définition du problème technique retenue par la requérante apparaîtrait réaliste. L'invention viserait à la détermination d'au moins une valeur limite d'un paramètre de fonctionnement d'un réacteur nucléaire afin de permettre une meilleure exploitation des capacités de celui-ci.
Dans le cadre de cette approche, la Chambre constate qu'aucun des documents cités à l'encontre de la demande ne propose la solution revendiquée.
Même si D2 (EP-A-1 221 701) semble permettre la détermination de plages d'exploitation modifiées et élargies (cf. D2, paragraphes [0014], [0017]) et prend en compte l'existence de situations transitoires, ce document vise avant tout à vérifier, sur une base statistique, que les conditions de fonctionnement du réacteur sont satisfaites. D2 ne suggère pas, au titre du critère de détermination, la rupture d'une gaine.
Le document D1 (EP-A-1 113 455) vise avant tout à établir, sur la base d'une simulation, que les prescriptions légales relatives aux crayons combustibles au sein d'un réacteur nucléaire sont remplies.
En outre, comme le souligne la requérante, la méthode retenue au titre de l'invention peut conduire à un élargissement des domaines d'exploitation, mais aussi à une réduction de ceux-ci. L'état de la technique, tel que par exemple illustré par D2, ne vise, a contrario, que la limitation des domaines interdits considérés trop conservateurs.
Aussi, selon la Chambre, l'adoption de cette seconde approche, telle que développée dans la décision T 1227/05 (JO OEB 2007, 574) et préconisée par la requérante, conduirait à la conclusion que l'objet de la revendication 1 de procédé serait inventif au sens de l'article 56 CBE 1973.
8. Arguments et jurisprudence
8.1 L'approche adoptée par la division d'examen s'écarte de l'approche adoptée par les chambres dans les décisions T 1227/05 et T 471/05. Les chambres en charge de ces deux affaires ont, en effet, reconnu aux procédés de simulation, respectivement, de conception, un caractère technique découlant de l'objectif recherché par chacune des inventions, c'est-à-dire découlant de la réalisation effective des entités évoquées (circuit électronique et système optique), quand bien même les revendications en question n'intégraient pas cet objectif aux procédés revendiqués (cf. T 1227/05, point 3.2.2; T 471/05, point 4.3).
Il convient de souligner, à l'appui de la position adoptée par la division d'examen, que le procédé revendiqué selon la requête principale pourrait servir des objectifs non-techniques ou bien des objectifs techniques, mais non-nécessairement liés au fonctionnement d'un réacteur nucléaire. Le procédé revendiqué pourrait notamment, au titre d'un premier exemple, correspondre à un exercice conçu à l'intention de programmeurs dans le cadre d'une formation qui leur serait dispensée. Le procédé revendiqué pourrait également, au titre d'un second exemple, être mis en oeuvre afin d'établir, auprès d'autorités compétentes, qu'un réacteur donné remplit bien les prescriptions légales en vigueur requises pour son exploitation. L'opération, confiée à un bureau d'études, aurait alors une finalité exclusivement administrative. En ce qui concerne des applications visant un but à caractère technique, mais différent de celui retenu par la requérante, on peut envisager le cas où le procédé revendiqué serait utilisé pour comparer les performances de certains programmes ou systèmes de traitements automatiques de données afin d'en apprécier les qualités, par exemple, la rapidité de convergence des systèmes ou algorithmes considérés.
L'adoption de la position défendue par la requérante conduirait à reconnaître à la titulaire d'un brevet, limité à un procédé de simulation et donc découplé de toute mise en ½uvre effective des résultats de celle-ci, un monopole qui s'étendrait à des activités qui ne servent aucun objectif technique. Les deux premiers exemples évoqués ci-dessus illustrent cette situation. Le prestataire de service, en général un bureau d'études spécialisé, qui aura procédé à la simulation, objet de l'invention selon la requête principale, afin que le donneur d'ordre puisse se voir accorder une autorisation administrative d'exploitation reproduira le procédé revendiqué, et ceci dans le cadre d'une activité commerciale, rémunérée, mais dépourvue de finalité industrielle directe. Il en ira de même du programmeur a qui on aura demandé, dans un but purement pédagogique, de concevoir le programme informatique requis pour la mise en ½uvre du procédé revendiqué selon la requête principale.
Ces exemples illustrent les inconvénients que l'approche préconisée par la requérante serait susceptible de générer. Reconnaître le bénéfice d'une activité inventive sur la base d'une utilisation du résultat du procédé revendiqué, alors que cette utilisation n'est pas reproduite dans la revendication et ne découle pas nécessairement de l'intitulé de celle-ci, reviendrait, en effet, à rétribuer la requérante au-delà de sa contribution effective à l'état de la technique. En l'occurrence, le breveté disposerait d'un titre qui aurait vocation à s'étendre aux deux premiers exemples cités ci-dessus, c'est-à-dire à des activités qui, si elles avaient fait l'objet de demandes de brevet, auraient été rejetées pour défaut d'activité inventive. Dans ce cas, en effet, la contribution technique eût été limitée à l'automatisation du procédé de simulation qui, conformément à l'analyse reproduite ci-dessus dans le cadre de la première approche, ne saurait suffire à justifier l'existence d'une activité inventive. Le brevet qui serait délivré sur la base de la requête principale aurait également vocation à s'étendre au troisième exemple évoqué ci-dessus, c'est-à-dire à un procédé visant une finalité dont le caractère technique ne saurait être nié, mais que le breveté lui-même n'avait pas envisagée, et dont le caractère inventif n'a jamais fait l'objet d'un quelconque examen.
Dans l'affaire T 1393/11, la Chambre devait se prononcer sur la brevetabilité d'un "procédé de mise à disposition d'informations de documentation relatives à des machines ou des installations complexes, en particulier à une presse d'injection". Après avoir constaté que la revendication 1 de la requête principale ne précisait pas qu'elle était l'utilisation faite de la documentation ainsi constituée, la Chambre en a déduit que le caractère technique de l'invention se limitait à l'usage de moyens techniques afin de constituer la dite documentation. La Chambre a cependant reconnu un caractère technique supplémentaire, dépassant la seule interaction algorithme/système informatique, au procédé de la revendication 1 de la requête subsidiaire qui concernait un procédé de maintenance, de réparation et d'utilisation d'un dispositif complexe comprenant l'utilisation d'une documentation technique obtenue à partir du procédé d'élaboration de la documentation correspondant à celui de la la revendication 1 de la requête principale.
8.1.1 Cette démarche, qui ne prend en compte que les caractéristiques techniques découlant effectivement du procédé revendiqué et écarte donc tout effet technique qui ne serait qu'éventuel, semble garantir que le problème objectif qui est finalement retenu dans le cadre de l'approche problème-solution soit valable sur l'ensemble du domaine revendiqué. La démarche est, à cet égard, identique à celle adoptée dans l'affaire T 939/92.
Cette position est confortée par le point de vue exprimé par la chambre en charge de l'affaire T 619/02 (JO OEB,2007, 063). Dans la décision rendue dans cette affaire, la Chambre retient, en effet, que:
" Ni le fait que le résultat de la méthode revendiquée soit utilisable dans le cadre d'une activité technique ou industrielle, ni le fait que ce résultat puisse être qualifié d'utile, de pratique ou de commercialisable, ne suffisent pour établir le caractère technique de la méthode proprement dite ou de son résultat (point 2.6.2)."
Dans cette affaire, la chambre avait à se prononcer sur le caractère technique d'une méthode de sélection d'odeurs pour sélectionner une odeur qui corresponde à un stimulus cible ou de mise en condition déterminé, de nature visuelle ou auditive. En l'absence de mise en ½uvre de la méthode selon la revendication 1 de la requête principale et de la première requête subsidiaire, la chambre a retenu, en l'absence de toute autre caractéristique de nature technique, que:
"Aucun caractère technique ne peut donc être reconnu à la méthode revendiquée dans son ensemble, [...]. Par conséquent, la méthode définie à la revendication 1 [...] ne constitue pas une invention brevetable au sens de l'article 52(1) CBE" (cf. points 2.7 et 3).
Le caractère technique était néanmoins reconnu à la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 qui portait sur une "méthode de fabrication d'un produit parfumé, consistant à parfumer un produit avec une odeur...", l'odeur étant sélectionnée selon la procédure définie dans la revendication 1 de la requête principale.
8.1.2 Il est incontestable que les intérêts de la requérante seraient mieux servis si le brevet était délivré sur la base de la requête principale plutôt que sur celle de la requête subsidiaire II, compte tenu des pratiques industrielles en vigueur et du droit positif en matière de contrefaçon. En effet, les étapes b) à d) du procédé revendiqué relèvent de la responsabilité du fournisseur de combustible, alors que l'étape de mise en ½uvre de la valeur obtenue par ce procédé de simulation relève de la responsabilité d'un autre acteur économique, en l'occurrence, l'exploitant du réacteur nucléaire. Fournisseurs de combustible et exploitants constituent, en effet, des acteurs économiques souvent distincts, intervenant sur des espaces géographiques différents. L'intégration du fonctionnement du réacteur prenant en compte le résultat de la simulation réalisée, telle qu'elle résulte de la revendication 1 de la requête subsidiaire II, réduirait l'efficacité du brevet, compte tenu des particularités liées aux procédures de contrefaçon par fourniture de moyens.
La pertinence des arguments avancés par la requérante, quant aux conséquences préjudiciables qui résulteraient pour elle, en termes de portée, de l'intégration de l'étape de fonctionnement effectif du réacteur sur la base de la valeur critique calculée lors de la simulation, n'est donc nullement contestée. Les aspirations de la requérante à disposer d'une protection adéquate, la plus à même de correspondre aux réalités industrielles, est légitime.
8.2 Selon la requérante, l'approche suivie par la division d'examen et initialement privilégiée par la Chambre, qui consiste à ne pas nécessairement tenir compte de l'utilisation du résultat de la simulation dans l'analyse de l'activité inventive, si celle-ci n'est pas effectivement revendiquée, ne serait pas conforme à la jurisprudence des chambres de recours de l'OEB désormais en vigueur depuis la décision rendue dans l'affaire T 1227/05 (JO 2007, 574). Cette approche jurisprudentielle a en effet été confirmée à plusieurs reprises, notamment dans la décision T 471/05. Elle l'a également été par la Chambre 3.4.01 en charge de la présente affaire, dans la décision rendue dans l'affaire T 1586/09.
8.2.1 Dans la décision T 1227/05, la Chambre, après avoir rappelé que :
"Au-delà de sa mise en oeuvre, une étape de procédé ne peut contribuer au caractère technique du procédé que dans la mesure où elle aide à réaliser un des objectifs techniques du procédé"
exprime sa conviction selon laquelle
"la simulation d'un circuit soumis à un bruit 1/f constitue un objectif suffisamment défini d'un procédé assisté par ordinateur, dans la mesure où le procédé se limite fonctionnellement à l'objectif technique."
Après avoir constaté que l'objectif déclaré, à savoir la simulation d'un circuit soumis à un bruit 1/f, est effectivement réalisée par le biais des étapes du procédé revendiqué, la Chambre en a déduit que les revendications de procédé indépendantes étaient fonctionnellement limitées à la simulation d'un circuit soumis à un bruit (cf. point 3.1.2). La Chambre a finalement conclu:
"Par conséquent, la Chambre est d'avis que les étapes utiles à la simulation du circuit contribuent toutes, y compris les caractéristiques des revendications exprimées en langage mathématique, au caractère technique du procédé de simulation selon les revendications 1 et 2".
En accord avec la requérante, la Chambre estime, dans le cas d'espèce, que la question dont elle a à connaître est, sur le principe, identique à la question qui se posait à la chambre 3.5.01 dans l'affaire T 1227/05. Dans le cas d'espèce, la Chambre est également convaincue que les étapes b), c) et d) du procédé revendiqué servent l'objectif annoncé de détermination d'une valeur limite de fonctionnement du réacteur nucléaire.
8.2.2 C'est une approche similaire qu'a suivi la chambre en charge de l'affaire T 471/05. Celle-ci a tout d'abord reconnu le caractère technique du procédé de conception d'un système optique selon la revendication de la requête subsidiaire II dans la mesure où la mise en ½uvre de la méthode se faisait au moyen d'un programme d'ordinateur, ce que la revendication 1 des requêtes principale et auxiliaire I ne précisaient pas (cf. point 4.1). Dans son analyse de l'activité inventive, la chambre ne s'est pas limitée à la contribution technique résultant de l'interaction entre le programme et l'ordinateur, mais a bel et bien pris en compte les effets recherchés par la méthode revendiquée en terme de champ de vue et d'excursion axiale du système à concevoir, alors même que la réalisation du système optique n'était pas revendiquée en tant que telle (cf. point 4.3).
8.2.3 La Chambre 3.4.01 a reconnu, dans sa décision T 1586/09 la brevetabilité d'un "Procédé d'évaluation qualitative d'un signal audio numérique, qui met en ½uvre en temps réel et en temps continu dans des fenêtres temporelles successives, le calcul d'un indicateur de qualité obtenu à partir dudit signal audio numérique, caractérisé en ce que...". De l'avis de la Chambre, ce cas est, cependant, à distinguer des cas susmentionnés T 1227/05 et T 471/05 en ce que le procédé revendiqué concerne un procédé de mesure en temps réel d'un signal doté d'une réalité physique. Ce point est néanmoins contesté par la requérante qui souligne que le signal dont il est question est un signal numérique, constitué d'une séquence d'éléments binaires (bits), et que le procédé revendiqué, dans sa forme générale, est lui aussi potentiellement déconnecté de toute réalité tangible.
8.3 Dans les affaires T 1265/09 et T 531/09, les chambres n'ont pas eu à ce prononcer sur la pertinence du constat effectué dans la décision T 1227/05, selon lequel la condition qu'il suffirait que l'objet simulé soit de nature technique pour en conclure à la brevetabilité de la simulation elle-même, serait suffisante. En effet, dans ces deux affaires, les chambres ont constaté que la condition, elle-même, n'était pas remplie (cf. T 1265/09, point 1.13; T 531/09, point 3).
Il en va différemment du cas d'espèce pour lequel l'objet simulé est indiscutablement de nature technique.
8.4 À l'issue de la délibération de la Chambre, celle-ci est arrivée à la conclusion que la détermination, en tant que valeur limite, de la valeur du premier paramètre de fonctionnement conférait un caractère technique à la revendication, ce caractère technique dépassant la simple interaction entre l'algorithme de simulation numérique et le système informatique. La nature du paramètre ainsi identifié est, en effet, intimement liée au fonctionnement d'un réacteur nucléaire, que ce paramètre fasse l'objet d'une utilisation effective au sein d'un réacteur nucléaire ou non. Ce faisant, la Chambre reconnaît la pertinence de l'analyse développée dans l'affaire T 1227/05 qu'elle reprend à son compte. De même, de l'avis de la Chambre, la nature des paramètres qui interviennent dans le cadre de la simulation (contraintes, températures, capacités calorifiques, pressions, dimensions...) confère elle aussi un caractère technique à l'invention revendiquée.
Ce constat conduit à retenir l'analyse développée ci-dessus (cf. point 7) au titre de la seconde approche envisageable et donc à conclure que l'objet de la revendication 1 selon la requête principale est inventif au sens de l'article 56 CBE 1973. Il en va, dés lors, de même de l'objet des revendications indépendantes 17, 19 et 20.
8.5 Par conséquent, il est fait droit à la requête principale.
9. Requête subsidiaire I (saisine de la Grande Chambre) et requêtes subsidiaires II et III.
La Chambre ayant fait droit à la requête principale de la requérante, la requête en saisine de la Grande Chambre est désormais dépourvue d'objet.
Pour cette même raison, la Chambre n'a pas à statuer sur la brevetabilité des requêtes subsidiaires II et III.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de délivrer un brevet dans la version suivante :
- revendications 1 à 20, déposées au titre de la requête principale au cours de la procédure orale du 2 février 2016 ;
- description: pages 1 à 20, telles que déposées le 28 février 2011 avec le mémoire du recours ;
- dessins: feuilles 1/11 à 11/11 telles que déposées à l'origine.